Documents de gestion forestière (PSG et DAF) : pour le Conseil d’État, le cadre français est conforme au droit de l’Union européenne
Par une décision du 21 avril 2023, le Conseil d’État juge que le cadre juridique national relatif aux plans simples de gestion (PSG) et aux documents d’aménagement forestier (DAF) est conforme au droit de l’Union européenne (CE, 21 avril 2023, no 453009).
L’association France Nature Environnement (FNE) faisait valoir que la règlementation française méconnaissait les exigences de la directive Plans et programmes (2001/42/CE), de la directive Habitats (92/43/CEE) et de la directive Oiseaux (2009/147/CE).
Elle avait demandé au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de prendre toutes les mesures utiles pour assurer la transposition effective de ces directives s’agissant des PSG et des DAF.
Face au silence du ministre, l’association FNE avait demandé au Conseil d’État (i) d’annuler le refus implicite du ministre et (ii) de lui enjoindre de prendre les mesures sollicitées.
Le Conseil d’État rejette le recours mais il apporte des précisions utiles concernant les obligations de l’administration, qui confèrent à cette décision un goût de quasi-succès pour FNE.
1. Pas d’évaluation environnementale obligatoire pour les PSG et les DAF
Pour mémoire, la directive 2001/42/CE impose la réalisation d’une évaluation environnementale pour les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.
Les contours de la notion de « plans et programmes » ont été fixés par la Cour de justice de l’Union européenne. Il s’agit de :
- Tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets, mentionnés par la directive Projets (2011/92/UE), susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ;
- Les plans et programmes qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre d’autres projets pourra être autorisée à l’avenir, lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement1.
1.1. Concernant les plans simples de gestion (PSG)
Le Conseil d’État juge que les PSG ne sont pas des plans et programmes aux motifs que :
- le plan simple de gestion, bien qu’exigé par des dispositions législatives, ne constitue pas un document élaboré ou adopté par l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant (condition posée par l’article 2§a de la directive) ;
- au demeurant, il n’a ni pour objet, ni pour effet de définir un ensemble significatif de critères et de modalités devant être mis en œuvre par les autorités compétentes pour autoriser des projets, au sens de la directive Projets, affectant les bois et forêts concernés, mais autorise directement le propriétaire à réaliser, sans formalité supplémentaire, les coupes et travaux qu’il prévoit.
1.2. Concernant les documents d’aménagement forestier (DAF)
Le Conseil d’État juge que les DAF ne sont pas des plans et programmes au motif qu’ils n’ont ni pour objet, ni pour effet de définir un ensemble significatif de critères et de modalités devant être mis en œuvre par les autorités compétentes pour autoriser des projets, au sens de la directive Projets, affectant les bois et forêts concernés, mais permettent directement la réalisation des coupes prévues, sans autorisation préalable.
Par conséquent, le Conseil d’État considère que l’absence de texte en droit français imposant une évaluation environnementale des PSG et des DAF n’est pas contraire à la directive Plans et programmes.
Les conclusions du Rapporteur public n’ont pas encore été publiées, mais on peut s’interroger sur la question de savoir si ces “plans” ne constituent pas, en réalité, des “projets” au sens de la directive éponyme.
2. Législation Natura 2000
Pour mémoire, la directive Habitats (1992) impose la réalisation d’une évaluation Natura 2000 pour les plans et projets susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000.
L’association FNE faisait valoir qu’en certaines hypothèses, l’approbation ou l’agrément des documents de gestion forestière échappaient à cette obligation (notamment lorsqu’un propriétaire ou un gestionnaire demande à bénéficier des procédures spéciales d’approbation ou d’agrément de ces documents).
Le Conseil d’État considère qu’il appartient à l’autorité administrative chargée de l’approbation ou de l’agrément de ces documents de gestion forestière de les soumettre à telle évaluation Natura 2000 s’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 (peu important que le propriétaire ou gestionnaire ait demandé à bénéficier des procédures spéciales).
Il semblerait donc que l’objectif poursuivi par FNE soit atteint, l’administration étant tenue d’examiner le respect de la législation Natura 2000 en toute hypothèse.
3. Législation Espèces protégées
Pour mémoire, les directives Habitats (1992) et Oiseaux (2009) interdisent de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats, et prévoient la possibilité d’obtenir une dérogation sous réserve de respecter trois conditions cumulatives.
L’association FNE faisait valoir qu’en certaines hypothèses, l’approbation ou l’agrément des documents de gestion forestière échappaient à cette législation (notamment lorsqu’un propriétaire ou un gestionnaire demande à bénéficier des procédures spéciales d’approbation ou d’agrément de ces documents).
Le Conseil d’État considère que dans le cadre de la procédure d’approbation ou d’agrément de ces documents de gestion forestière, il appartient à l’autorité administrative compétente de se prononcer sur l’éventuelle nécessité de solliciter une dérogation, et le cas échéant de s’assurer que les différentes conditions pour obtenir la dérogation sont réunies.
Une fois encore, l’objectif poursuivi par FNE semble atteint.
1. CJUE, 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a., no C‑290/15). CJUE, 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., no C‑671/16. CJUE, 12 juin 2019, Terre Wallonne, no C‑321/18. CJUE, 25 juin 2020, A. e.a (Éoliennes à Aalter et à Nevele), no C‑24/19).