[ICPE & Liquidation judiciaire] La mise en demeure peut régulièrement être adressée au dernier exploitant plutôt qu’au liquidateur judiciaire déjà désigné

Par un juge­ment du 31 juil­let 2023, le tri­bunal admin­is­tratif de Lille a jugé qu’un arrêté de mise en demeure ICPE peut régulière­ment être adressé au dernier exploitant quand bien même un liq­ui­da­teur judi­ci­aire a été désigné (TA Lille, 31 juil­let 2023, no 2007960).

Dans cette affaire, par un arrêté du 28 juil­let 2020, le préfet avait mis en demeure le dernier exploitant (société Aliphos Rot­ter­dam BV), qui avait été placé en liq­ui­da­tion judi­ci­aire par un juge­ment du 21 juil­let 2020, de respecter les arrêtés com­plé­men­taires lui imposant la con­sti­tu­tion de garanties finan­cières, la réal­i­sa­tion d’un pro­gramme de sur­veil­lance des sols et des eaux souter­raines et l’en­tre­posage des déchets dans le respect de l’arrêté ICPE ini­tial.

Le liq­ui­da­teur judi­ci­aire (SELARL Delezenne et asso­ciés) demandait l’annulation de l’ar­rêté de mise en demeure, au motif notam­ment qu’il était adressé au dernier exploitant plutôt qu’au liq­ui­da­teur judi­ci­aire, en mécon­nais­sance de l’article L. 641–9 du code de com­merce.

En général, les liq­ui­da­teurs judi­ci­aires con­tes­tent plutôt le fait que les oblig­a­tions au titre de la police des ICPE soient mis­es à leur charge, con­sid­érant que cela ne serait pas prévu par l’ar­ti­cle L. 641–9 du code de com­merce.

Pour mémoire, cet arti­cle prévoit qu’à compter de la date du juge­ment qui ouvre ou prononce la liq­ui­da­tion judi­ci­aire, l’en­tre­prise liq­uidée est des­saisie de l’ad­min­is­tra­tion et de la dis­po­si­tion de ses biens et que les droits et actions de l’en­tre­prise liq­uidée con­cer­nant son pat­ri­moine sont exer­cés pen­dant toute la durée de la liq­ui­da­tion judi­ci­aire par le liq­ui­da­teur.

C’est dans ce con­texte que le Con­seil d’É­tat a jugé que lorsque les biens de la société en liq­ui­da­tion com­pren­nent une ICPE dont elle est l’ex­ploitant, il appar­tient au liq­ui­da­teur judi­ci­aire, qui en assure l’ad­min­is­tra­tion, de veiller au respect des oblig­a­tions découlant de la lég­is­la­tion sur les ICPE (CE, 28 sep­tem­bre 2016, no 384315).

En l’e­spèce, le Tri­bunal admin­is­tratif de Lille con­firme la légal­ité de l’arrêté de mise en demeure noti­fié au dernier exploitant et juge que :

« En ce qui con­cerne le des­ti­nataire de l’arrêté de mise en demeure :

Les mesures énumérées à l’article L. 171–8 du code de l’environnement, ont été insti­tuées pour con­train­dre les exploitants à pren­dre les dis­po­si­tions néces­saires à la sauve­g­arde des intérêts visés à l’article L. 511–1 du même code. Aus­si longtemps que sub­siste l’un des dan­gers ou incon­vénients men­tion­nés à cet arti­cle, le préfet peut met­tre en œuvre les dif­férentes mesures prévues par l’article L. 171–8 préc­ité. Les mesures pre­scrites par le préfet par arrêté du 28 sep­tem­bre 2020, et notam­ment la mise en demeure de con­stituer des garanties finan­cières, de pro­pos­er un pro­gramme de sur­veil­lance des sols et des eaux souter­raines et d’entreposer les déchets dans le respect de l’article 5.1.3 de l’arrêté pré­fec­toral du 25 novem­bre 2016 sont au nom­bre de celles qui peu­vent être légale­ment ordon­nées à l’exploitant, même mis en liq­ui­da­tion judi­ci­aire, en appli­ca­tion des dis­po­si­tions des arti­cles R. 512–39‑1 et suiv­ants du code de l’environnement, à moins qu’il n’ait cédé son instal­la­tion et que le ces­sion­naire se soit régulière­ment sub­sti­tué à lui en qual­ité d’exploitant, ce qui ne résulte pas de l’instruction. Par suite, la SELARL Delezenne et asso­ciés n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté litigieux est entaché d’illégalité en tant qu’il met en demeure la société Aliphos Rot­ter­dam BV en sa qual­ité de dernier exploitant, quand bien même à la date de la déci­sion attaquée elle a fait l’objet d’une mesure de liq­ui­da­tion judi­ci­aire, et non pas le liq­ui­da­teur de la société»

Une telle solu­tion est par­faite­ment logique :

  • Le liq­ui­da­teur judi­ci­aire se sub­stitue par principe à la société exploitante : il importe donc peu que l’ar­rêté ait été adressé à la société exploitante et non directe­ment au liq­ui­da­teur judi­ci­aire. En effet, les con­séquences envi­ron­nemen­tales devront in fine être sup­port­ées par le liq­ui­da­teur, venu aux droits du dernier exploitant en ver­tu des dis­po­si­tions de l’article L. 641–9 du code de com­merce ;
  • Cette solu­tion garan­tit la pro­tec­tion de l’environnement, qui ne se heurtera pas à un arrêté « mal dirigé » par un préfet qui n’aurait pas été infor­mé de la liq­ui­da­tion judi­ci­aire.

D'autres articles sur les mêmes thèmes :