Le Gouvernement sommé par le Conseil d’État de préciser les exceptions à l’obligation de déclaration préalable pour les coupes et abattages d’arbres

Arbres

Par une déci­sion du 28 avril 2023, le Con­seil d’É­tat a enjoint au Gou­verne­ment de pren­dre, dans un délai de six mois, les mesures régle­men­taires néces­saires pour la mise en œuvre de l’ex­cep­tion à l’obligation de déc­la­ra­tion préal­able des coupes et abattages d’arbres prévue par la loi Bio­di­ver­sité (CE, 28 avril 2023, Fran­syl­va, n° 460553).

En effet, depuis la loi Bio­di­ver­sité du 8 août 2016, les excep­tions à l’obligation de déc­la­ra­tion préal­able des coupes et abattages d’arbres doit faire l’objet d’une liste pré­cisée par décret1 pour les opéra­tions situées :

  • dans les bois, forêts ou parcs situés sur le ter­ri­toire des com­munes où l’établissement d’un PLU a été pre­scrit ;
  • dans les espaces boisés iden­ti­fiés ou classés par le PLU.

La Fédéra­tion Forestiers privés de France (Fran­syl­va), con­sid­érant que les textes n’é­taient pas suff­isam­ment pré­cis pour per­me­t­tre l’en­trée en vigueur de ces dis­po­si­tions lég­isla­tives, a demandé au Con­seil d’É­tat d’an­nuler le refus du Pre­mier min­istre de pren­dre les mesures régle­men­taires néces­saires.

1. Les exceptions à l’obligation de déclaration préalable pour les coupes et abattages d’arbres prévues par la loi Biodiversité ne sont pas suffisamment précises pour permettre leur entrée en vigueur : des textes réglementaires d’application sont donc nécessaires

Pour mémoire, l’ar­ti­cle R. 421–3 du code de l’ur­ban­isme, dans sa rédac­tion actuelle issue du décret n° 2015–1783 du 28 décem­bre 2015, prévoit que doivent être précédés d’une déc­la­ra­tion préal­able “les coupes et abattages d’ar­bres dans les bois, forêts ou parcs situés sur le ter­ri­toire de com­munes où l’étab­lisse­ment d’un plan local d’ur­ban­isme a été pre­scrit, ain­si que dans tout espace boisé classé en appli­ca­tion de l’ar­ti­cle L. 113–1 [du code de l’ur­ban­isme]”.

Par excep­tion à ces dis­po­si­tions, l’ar­ti­cle R. 421–23‑2 du même code prévoit qu’une déc­la­ra­tion préal­able n’est pas req­uise pour les coupes et abattages dans qua­tre hypothès­es :

  1. Lorsque le pro­prié­taire procède à l’enlève­ment des arbres dan­gereux, des chablis et des bois morts ;
  2. Lorsqu’il est fait appli­ca­tion des dis­po­si­tions du livre II du code foresti­er [Bois et forêts rel­e­vant du régime foresti­er] ;
  3. Lorsqu’il est fait appli­ca­tion d’un plan sim­ple de ges­tion (PSG), d’un règle­ment type de ges­tion ou d’un pro­gramme des coupes et travaux d’un adhérent au code des bonnes pra­tiques sylvi­coles ;
  4. Lorsque les coupes entrent dans le cadre d’une autori­sa­tion par caté­gories définies par arrêté pré­fec­toral, après avis du Cen­tre nation­al de la pro­priété forestière (CNPF).

Dans sa déci­sion du 28 avril 2023, le Con­seil d’É­tat juge que les dis­po­si­tions lég­isla­tives encad­rant l’ex­cep­tion à l’oblig­a­tion de déc­la­ra­tion préal­able pour les coupes et abattages d’ar­bres prévue par la loi Bio­di­ver­sité “ne sont pas suff­isam­ment pré­cis­es pour per­me­t­tre leur entrée en vigueur” et qu’il est donc “néces­saire qu’un décret d’ap­pli­ca­tion pré­cise la liste des cas dans lesquels il est fait excep­tion à [cette] oblig­a­tion de déc­la­ra­tion préal­able”.

Le Con­seil d’É­tat con­sid­ère ain­si que les excep­tions prévues par l’ar­ti­cle R. 421–23‑2 ne répon­dent pas aux exi­gences de la loi Bio­di­ver­sité (étant pré­cisé que la rédac­tion actuelle de cet arti­cle est antérieure à l’en­trée en vigueur de la loi du 8 août 2016).

2. Le retard du Gouvernement (6 ans) dans l’adoption des textes d’application de la loi Biodiversité excède un délai raisonnable

Pour mémoire, en ver­tu de l’ar­ti­cle 21 de la Con­sti­tu­tion, l’ex­er­ci­ce du pou­voir régle­men­taire com­porte non seule­ment le droit mais aus­si l’oblig­a­tion de pren­dre dans un délai raisonnable les mesures qu’im­plique néces­saire­ment l’ap­pli­ca­tion de la loi2.

Rap­pelons en out­re que lorsqu’il est saisi de con­clu­sions aux fins d’an­nu­la­tion du refus d’une autorité admin­is­tra­tive d’é­dicter les mesures néces­saires à l’ap­pli­ca­tion d’une dis­po­si­tion lég­isla­tive, le juge de l’ex­cès de pou­voir est con­duit à appréci­er la légal­ité d’un tel refus au regard des règles applic­a­bles et des cir­con­stances pré­valant à la date de sa déci­sion (CE, 27 mai 2021, n° 441660, aux tables).

En l’e­spèce, le Con­seil d’É­tat relève qu’à la date à laque­lle il stat­ue, il s’est écoulé plus de six ans depuis l’en­trée en vigueur de la loi Bio­di­ver­sité du 8 août 2016, de sorte que le retard dans l’adop­tion des dis­po­si­tions régle­men­taires néces­saires à l’ap­pli­ca­tion des dis­po­si­tions prévoy­ant les excep­tions à la déc­la­ra­tion préal­able pour cer­taines coupes et abattages d’ar­bres excède ain­si le délai raisonnable qui était impar­ti au pou­voir régle­men­taire pour pren­dre le décret d’ap­pli­ca­tion.

Par con­séquent, le Con­seil d’É­tat enjoint à la Pre­mière min­istre de pren­dre ces dis­po­si­tions régle­men­taires dans un délai de six mois, soit au plus tard le 28 octo­bre 2023.

En revanche, les juges con­sid­èrent que “dans les cir­con­stances de l’e­spèce, il n’y a pas lieu d’as­sor­tir cette injonc­tion d’une astreinte”, sans pré­cis­er les raisons qui motivent leur refus de met­tre en œuvre ce mécan­isme.

Relevons que dans une autre affaire, le Con­seil d’É­tat avait pour­tant pronon­cé une astreinte jour­nal­ière de 200 euros pour des mesures régle­men­taires non adop­tées deux ans et demi après l’en­trée en vigueur de la loi (CE, 27 mai 2021, n° 441660, préc.).


1. Arti­cle L. 421–4 du code de l’urbanisme issu de l’article 81 de la loi n° 2016–1087 du 8 août 2016 pour la recon­quête de la bio­di­ver­sité, de la nature et des paysages.

2. Hors le cas où le respect d’en­gage­ments inter­na­tionaux de la France y ferait obsta­cle.


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