[Photovoltaïque] Premières applications jurisprudentielles du nouveau régime contentieux pour les installations EnR

Pour mémoire, le nou­v­el arti­cle R. 311–6 du code de jus­tice admin­is­tra­tive1 prévoit notam­ment, pour les per­mis de con­stru­ire des parcs pho­to­voltaïques d’une puis­sance instal­lée supérieure à 5 MWc, que les recours admin­is­trat­ifs ne pro­ro­gent plus le délai de recours con­tentieux. Le délai max­i­mal pour intro­duire une requête con­tentieuse con­tre le per­mis est donc de deux mois à compter de l’ac­com­plisse­ment des for­mal­ités d’af­fichage sur le ter­rain2.

Un an après l’en­trée en vigueur de ces dis­po­si­tions, les pre­mières déci­sions qui en font appli­ca­tion ont été pub­liées.

TA d’Orléans, 2 octobre 2023, no 2303823

Saisi d’un recours con­tre un per­mis de con­stru­ire un parc pho­to­voltaïque, le tri­bunal admin­is­tratif d’Or­léans a con­sid­éré « qu’aucune men­tion de cette dis­po­si­tion [prévue à l’ar­ti­cle R. 311–6 du CJA] n’est req­uise lors de l’affichage [du per­mis de con­stru­ire] sur le site pour ren­dre cette dis­po­si­tion oppos­able aux tiers ».

Effec­tive­ment, le décret no 2022–1379 du 29 octo­bre 2022 n’a pas mod­i­fié les dis­po­si­tions de l’ar­ti­cle R. 424–15 du code de l’ur­ban­isme, qui prévoit notam­ment que l’af­fichage du per­mis sur le ter­rain doit men­tion­ner « l’oblig­a­tion, prévue à peine d’ir­recev­abil­ité par l’ar­ti­cle R. 600–1, de noti­fi­er tout recours admin­is­tratif ou tout recours con­tentieux à l’au­teur de la déci­sion et au béné­fi­ci­aire du per­mis ou de la déci­sion prise sur la déc­la­ra­tion préal­able ».

La solu­tion retenue par le TA d’Or­léans peut appa­raître con­testable, compte tenu du fait que ce nou­veau régime con­tentieux, qui déroge au droit com­mun, est sus­cep­ti­ble de porter atteinte au droit à un recours juri­dic­tion­nel effec­tif.

En l’e­spèce, le Tri­bunal a relevé que « si, tout en men­tion­nant la pos­si­bil­ité d’un recours admin­is­tratif, cet affichage ne pré­ci­sait pas que celui-ci était dépourvu d’effet inter­rup­tif du délai de recours con­tentieux, cette cir­con­stance est, comme indiqué au point 4 ci-dessus, sans inci­dence sur l’opposabilité des dis­po­si­tions préc­itées du II de l’article R. 311–6 du code de jus­tice admin­is­tra­tive ». Il ajoute qu’au demeu­rant, « l’affichage com­por­tait égale­ment une copie inté­grale de l’arrêté attaqué dont les men­tions finales indiquent explicite­ment que le délai de recours con­tentieux “n’est pas pro­rogé par l’exercice d’un recours admin­is­tratif” ».

La requête est donc rejetée comme étant tar­dive.

L’or­don­nance est disponible ici.

TA Besançon, 2 novembre 2023, no 2300971

Cette affaire est l’oc­ca­sion de revenir sur la notion de con­nais­sance acquise en matière de con­tentieux admin­is­tratif.

Les faits sont les suiv­ants :

  • Les requérants ont adressé un recours gra­cieux le 7 mars 2023 récep­tion­né le 10 mars 2023 par le préfet, aux fins d’obtenir le retrait de per­mis de con­stru­ire un parc pho­to­voltaïque au sol délivré par un arrêté du 11 jan­vi­er 2023 ;
  • Le préfet a rejeté leur recours gra­cieux par une déci­sion du 5 avril 2023 ;
  • Les requérants ont intro­duit une requête en annu­la­tion le 6 juin 2023

Solu­tion retenue par le Tri­bunal :

  • Le Tri­bunal rap­pelle d’abord qu’un recours gra­cieux ne pro­roge plus le délai de recours con­tentieux pour ce type de pro­jet, en appli­ca­tion de l’ar­ti­cle R. 311–6 du CJA ;
  • Faisant appli­ca­tion d’une jurispru­dence con­stante3, il con­sid­ère alors que les requérants ont eu con­nais­sance de l’ex­is­tence de l’ar­rêté du préfet, au plus tard, à la date d’en­voi de leur recours gra­cieux ;
  • Il en déduit que la requête enreg­istrée le 6 juin 2023 est tar­dive, étant pré­cisé que la déci­sion du préfet reje­tant le recours gra­cieux est regardée comme con­fir­ma­tive du per­mis de con­stru­ire délivré le 11 jan­vi­er 2023.

Obser­va­tion : dans l’or­don­nance, il n’est pas fait men­tion de la date d’af­fichage du per­mis de con­stru­ire sur le ter­rain, le juge n’ayant pas eu besoin de cette infor­ma­tion pour con­sid­ér­er que le délai de recours était expiré (en rai­son de la con­nais­sance acquise du per­mis, révélée par l’ex­er­ci­ce d’un recours gra­cieux).

L’or­don­nance est disponible ici.


1. Créé par le décret no 2022–1379 du 29 octo­bre 2022.

2. R. 600–2 du code de l’ur­ban­isme : « Le délai de recours con­tentieux à l’en­con­tre d’une déci­sion de non-oppo­si­tion à une déc­la­ra­tion préal­able ou d’un per­mis de con­stru­ire, d’amé­nag­er ou de démolir court à l’é­gard des tiers à compter du pre­mier jour d’une péri­ode con­tin­ue de deux mois d’af­fichage sur le ter­rain des pièces men­tion­nées à l’ar­ti­cle R. 424–15 ».

3. Voir, par exem­ple : CE, 15 avril 2016, no 375132, pub­lié au recueil.


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