Protection des alignements d’arbres bordant les voies de circulation : le décret d’application est enfin publié !

Alignement d'arbres le long d'une route

Après plusieurs mois d’at­tente, le décret relatif au régime de pro­tec­tion des allées d’ar­bres et aligne­ments d’ar­bres bor­dant les voies ouvertes à la cir­cu­la­tion publique a enfin été pub­lié (décret n° 2023–384 du 19 mai 2023).

1. Le régime de protection des allées et alignements d’arbres

Pour mémoire, l’ar­ti­cle L. 350–3 du code de l’en­vi­ron­nement, créé par la loi Bio­di­ver­sité du 8 août 2016, recon­nais­sait que “les allées d’ar­bres et aligne­ments d’ar­bres qui bor­dent les voies de com­mu­ni­ca­tion con­stituent un pat­ri­moine cul­turel et une source d’aménités, en plus de leur rôle pour la préser­va­tion de la bio­di­ver­sité et, à ce titre, font l’ob­jet d’une pro­tec­tion spé­ci­fique” et inter­di­s­aitle fait d’a­bat­tre ou de porter atteinte à un arbre ou de com­pro­met­tre la con­ser­va­tion ou de mod­i­fi­er rad­i­cale­ment l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un aligne­ment d’ar­bres.

Dans la pra­tique, le régime posait des dif­fi­cultés, compte tenu des ambiguïtés et lacunes rédac­tion­nelles, notam­ment s’agis­sant de l’au­torité com­pé­tente pour délivr­er les déro­ga­tions1.

La loi 3DS du 21 févri­er 2022 a clar­i­fié le régime applic­a­ble2, en mod­i­fi­ant l’ar­ti­cle L. 350–3 du code de l’en­vi­ron­nement, qui depuis lors :

  • pré­cise que le régime de pro­tec­tion con­cerne les allées d’ar­bres et aligne­ments d’ar­bres qui bor­dent les voies ouvertes à la cir­cu­la­tion publique (en rem­place­ment des ter­mes “voies de com­mu­ni­ca­tion“3).
  • désigne le préfet de départe­ment comme l’au­torité admin­is­tra­tive com­pé­tente pour se pronon­cer sur les atteintes éventuelles aux allées d’ar­bres et aligne­ments d’ar­bres bor­dant les voies ouvertes à la cir­cu­la­tion publique. À défaut de pré­ci­sion quant à l’au­torité com­pé­tente, le Con­seil d’É­tat avait jugé qu’une déci­sion d’ur­ban­isme indi­vidu­elle (comme un per­mis de con­stru­ire ou un per­mis d’amé­nag­er) pou­vait tenir lieu de la déro­ga­tion prévue à l’ar­ti­cle L. 350–3 du code de l’en­vi­ron­nement4.
  • instau­re :
    • une autori­sa­tion préal­able pour les opéra­tions néces­saires aux besoins de pro­jets de travaux, d’ou­vrages et d’amé­nage­ment et ;
    • une déc­la­ra­tion préal­able pour les opéra­tions jus­ti­fiées par un autre motif (dan­ger pour la sécu­rité des per­son­nes ou des biens, ou risque san­i­taire pour les autres arbres, ou dis­pari­tion de l’esthé­tique de la com­po­si­tion).
  • prévoit que l’au­tori­sa­tion envi­ron­nemen­tale tient lieu, le cas échéant, de l’au­tori­sa­tion préal­able prévue par l’ar­ti­cle L. 350–3.

La loi 3DS prévoy­ait enfin qu’un décret en Con­seil d’État devait pré­cis­er les modal­ités d’ap­pli­ca­tion du régime de pro­tec­tion des aligne­ments d’ar­bres, ain­si que les sanc­tions en cas de non-respect de ces dis­po­si­tions5.

Le décret d’ap­pli­ca­tion, par­ti­c­ulière­ment atten­du par les col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales et les amé­nageurs, a enfin été pub­lié au Jour­nal offi­ciel du dimanche 21 mai 2023.

2. Les précisions apportées par le décret n° 2023–384 du 19 mai 2023

Le décret a été cod­i­fié aux arti­cles R. 350–20 et suiv­ants du code de l’environnement.

2.1. Dossier de déclaration ou de demande d’autorisation

Con­tenu du dossier. Le nou­v­el arti­cle R. 350–20 prévoit que “lorsqu’il est porté atteinte à une allée d’ar­bres ou un aligne­ment d’ar­bres, le dossier de déc­la­ra­tion ou de demande d’au­tori­sa­tion com­porte :

  1. L’iden­tité et les coor­don­nées du péti­tion­naire ;
  2. La local­i­sa­tion et la descrip­tion de l’al­lée d’ar­bres ou de l’aligne­ment d’ar­bres con­cerné et de la voie ouverte à la cir­cu­la­tion publique le long de laque­lle les arbres sont implan­tés ;
  3. La descrip­tion des opéra­tions pro­jetées faisant appa­raître leur nature, le ou les arbres con­cernés ain­si que le motif fon­dant ces opéra­tions, et pour celui-ci, les pièces spé­ci­fiques men­tion­nées à l’ar­ti­cle R. 350–23 ou au 2° de l’ar­ti­cle R. 350–28 ;
  4. La preuve de l’in­for­ma­tion du pro­prié­taire de l’al­lée ou de l’aligne­ment d’ar­bres sur les opéra­tions pro­jetées lorsque celui-ci est dif­férent du péti­tion­naire ;
  5. Le plan de sit­u­a­tion à l’échelle de la com­mune ;
  6. Le plan de masse coté dans les trois dimen­sions faisant notam­ment appa­raître le ou les arbres con­cernés par les opéra­tions, leur posi­tion­nement au sein de l’al­lée ou de l’aligne­ment ain­si que la dis­tance de leur implan­ta­tion par rap­port à la voie ouverte à la cir­cu­la­tion publique ;
  7. Des doc­u­ments tels que pho­togra­phies ou dessins per­me­t­tant d’é­val­uer les effets du pro­jet sur le paysage ;
  8. Le descrip­tif et le cal­en­dri­er des mesures de com­pen­sa­tion envis­agées en plus de celles néces­saires en appli­ca­tion des arti­cles L. 163–1 à L. 163–5. Le cas échéant, sont expliquées les raisons pour lesquelles la com­pen­sa­tion ne peut pas être faite à prox­im­ité de l’al­lée ou de l’aligne­ment, et la dis­tance prévue.”

Modal­ités de dépôt. Le nou­v­el arti­cle R. 350–21 prévoit que :

  • La déc­la­ra­tion ou la demande d’au­tori­sa­tion, établie en deux exem­plaires, est adressée par let­tre recom­mandée avec demande d’avis de récep­tion (LRAR) ou déposée con­tre décharge à la pré­fec­ture (ou par voie élec­tron­ique) ;
  • En cas de dossier incom­plet, le préfet doit, dans un délai de 15 jours à compter de la récep­tion de la demande, indi­quer au péti­tion­naire, par LRAR ou par voie élec­tron­ique, de façon exhaus­tive, les pièces man­quantes.

Voies départe­men­tales. Dans le cas par­ti­c­uli­er des voies départe­men­tales, le nou­v­el arti­cle R. 350–22 pré­cise que le préfet informe sans délai le prési­dent du con­seil départe­men­tal du dépôt d’une déc­la­ra­tion ou d’une demande d’au­tori­sa­tion lorsque l’al­lée ou l’aligne­ment con­cerné bor­de une voie départe­men­tale, ain­si que de sa déci­sion.

2.2. Régime de la déclaration préalable

Les dis­po­si­tions spé­ci­fiques au régime de la déc­la­ra­tion préal­able fig­urent aux nou­veaux arti­cles R. 350–23 à R. 350–27.

En par­ti­c­uli­er, pour jus­ti­fi­er du motif des opéra­tions pro­jetées, la déc­la­ra­tion com­porte :

  1. Lorsque les opéra­tions pro­jetées sont envis­agées en rai­son d’un risque san­i­taire : une étude phy­tosan­i­taire ;
  2. Lorsque l’é­tat san­i­taire ou mécanique du ou des arbres présente un dan­ger pour la sécu­rité des per­son­nes ou des biens : les élé­ments per­me­t­tant d’établir de ce dan­ger ;
  3. Lorsque les opéra­tions pro­jetées sont envis­agées parce que l’esthé­tique de la com­po­si­tion ne peut plus être assurée : les élé­ments per­me­t­tant de démon­tr­er que la préser­va­tion de la bio­di­ver­sité peut être obtenue par d’autres mesures, dans le respect des dis­po­si­tions des arti­cles L. 411–1 et L. 411–2.

Par ailleurs, lorsque les opéra­tions sont ren­dues néces­saires en rai­son de risques phy­tosan­i­taires liés à la présence ou à la sus­pi­cion de présence d’un organ­isme nuis­i­ble règle­men­té en appli­ca­tion du règle­ment (UE) 2016/2031 et qu’elles font l’ob­jet de mesures indi­vidu­elles de préven­tion, de sur­veil­lance et de lutte pris­es par le préfet de région6, il n’y a pas lieu à déc­la­ra­tion.

En out­re, le ges­tion­naire de voies ouvertes à la cir­cu­la­tion publique qui a établi un plan de ges­tion fix­ant les principes de con­ser­va­tion et de renou­velle­ment des allées d’ar­bres et aligne­ments d’ar­bres bor­dant ces voies peut dépos­er une déc­la­ra­tion préal­able unique pour l’ensem­ble des opéra­tions rel­e­vant de ce régime et prévues par ce plan sur une durée pou­vant aller jusqu’à cinq ans.

Enfin :

  • le préfet peut s’op­pos­er aux opéra­tions objet de la déc­la­ra­tion, ou les sub­or­don­ner au respect de pre­scrip­tions des­tinées à garan­tir l’ef­fec­tiv­ité des mesures de com­pen­sa­tion, dans le délai d’un mois à compter de la date de récep­tion de la déc­la­ra­tion.
  • le déclarant ne peut com­mencer la réal­i­sa­tion des opéra­tions qu’à l’is­sue du délai d’un mois et en l’ab­sence d’op­po­si­tion.

2.3. Régime de l’autorisation préalable

Le con­tenu du dossier de demande est proche du régime déclara­toire et com­porte, en out­re, la descrip­tion des pro­jets de travaux, d’ou­vrages ou d’amé­nage­ments en cause et les raisons pour lesquelles les opéra­tions pro­jetées sur les arbres sont néces­saires.

Le préfet doit noti­fi­er la déci­sion au péti­tion­naire par LRAR ou par voie élec­tron­ique au plus tard deux mois après la récep­tion d’une demande com­plète ou des infor­ma­tions, pièces et doc­u­ments qui com­plè­tent le dossier. À défaut de noti­fi­ca­tion dans ce délai, l’au­tori­sa­tion est réputée accordée dans les ter­mes où elle a été demandée.

2.4. Instauration d’une contravention de cinquième classe forfaitisée

Le con­trevenant devrait s’ac­quit­ter d’une amende for­faitaire de 5e classe dans les cas suiv­ants :

  • lorsqu’il est porté atteinte à des allées ou aligne­ments arbres en l’absence de déc­la­ra­tion préal­able lorsqu’elle est req­uise ;
  • lorsqu’il est porté atteinte à des allées ou aligne­ments arbres en l’absence d’au­tori­sa­tion préal­able lorsqu’elle est req­uise ;
  • lorsque les mesures com­pen­satoires ne sont pas mis­es en œuvre ;
  • en cas de non-respect des pre­scrip­tions des­tinées à assur­er l’effectivité des mesures com­pen­satoires.

2.5. Synthèse


1. Voir notam­ment l’é­tude d’im­pact du pro­jet de loi rel­a­tive à la dif­féren­ci­a­tion, décen­tral­i­sa­tion, décon­cen­tra­tion et sim­pli­fi­ca­tion (en ligne).

2. Arti­cle 194 de la loi n° 2022-217 du 21 févri­er 2022 rel­a­tive à la dif­féren­ci­a­tion, la décen­tral­i­sa­tion, la décon­cen­tra­tion et por­tant divers­es mesures de sim­pli­fi­ca­tion de l’ac­tion publique locale.

3. La Cour d’ap­pel de Douai a jugé que l’ar­ti­cle L. 350–3 “ne font pas de dis­tinc­tion entre les voies de com­mu­ni­ca­tion publiques et privées” (CA Douai, 25 avril 2019, n° 18/02409).

4. CE, Avis, 21 juin 2021, n° 446662, pub­lié au recueil, con­cl. O. Fuchs : “Lorsqu’un per­mis de con­stru­ire ou d’amé­nag­er ou une déci­sion de non-oppo­si­tion à déc­la­ra­tion préal­able porte sur un pro­jet de con­struc­tion impli­quant l’at­teinte ou l’a­battage d’un ou plusieurs arbres com­posant une allée ou un aligne­ment le long d’une voie de com­mu­ni­ca­tion, il résulte des dis­po­si­tions com­binées des arti­cles L. 421–6, R. 111–26 et R. 111–27 du code de l’ur­ban­isme et de l’ar­ti­cle L. 350–3 du code de l’en­vi­ron­nement que l’au­tori­sa­tion d’ur­ban­isme ou la déci­sion de non-oppo­si­tion à déc­la­ra­tion préal­able vaut octroi de la déro­ga­tion prévue par le troisième alinéa de l’ar­ti­cle L. 350–3 du code de l’en­vi­ron­nement. Il appar­tient à l’au­torité admin­is­tra­tive com­pé­tente pour délivr­er l’au­tori­sa­tion d’ur­ban­isme ou stat­uer sur la déc­la­ra­tion préal­able de s’as­sur­er, sous le con­trôle du juge de l’ex­cès de pou­voir, de la néces­sité de l’a­battage ou de l’at­teinte portée aux arbres pour les besoins du pro­jet de con­struc­tion ain­si que de l’ex­is­tence de mesures de com­pen­sa­tion appro­priées et suff­isantes à la charge du péti­tion­naire ou du maître d’ou­vrage.”

5. Il faut rap­pel­er que la pre­mière ver­sion de l’ar­ti­cle L. 350–3 du code de l’en­vi­ron­nement, issue de la loi Bio­di­ver­sité du 8 août 2016, ne prévoy­ait aucun décret d’ap­pli­ca­tion. En effet, comme le rap­pelle Olivi­er Fuchs dans ses con­clu­sions sur l’avis du Con­seil d’É­tat préc­ité, “ces dis­po­si­tions, issues d’un amende­ment par­lemen­taire à l’histoire mou­ve­men­tée, prévoy­aient ini­tiale­ment un ren­voi à un décret pour pré­cis­er les modal­ités d’application du dis­posi­tif, mais ce ren­voi a finale­ment été sup­primé lors de l’adoption en deux­ième lec­ture par l’Assemblée nationale, sur propo­si­tion de la rap­por­teure qui esti­mait qu’il n’était pas néces­saire de prévoir un décret d’application pour la mise en œuvre de cet arti­cle. En réponse à une ques­tion par­lemen­taire, la min­istre de la tran­si­tion écologique a con­fir­mé en octo­bre 2019 l’intention du Gou­verne­ment de ne pas rédi­ger de décret d’application”.

6. En appli­ca­tion de l’arti­cle R. 251–2‑7 du code rur­al et de la pêche mar­itime.


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